Je traversais la région de Oaxaca pour la première fois en 2017, pendant mon voyage de sourcing textile dans toute Amérique Centrale. C’était au début de mon projet Coutume et je passais deux mois au Mexique et Guatemala, à la recherche d’ateliers de fabrication et de textiles anciens.
Tapis Teotitlan et Zapoteco, Sierra Camel, Ocre, Blond & Valle Camel
Pendant mon voyage, je partais en repérage dans le village de Teotitlan del Valle, où presque tous les habitants tissent. Chaque maison laissait entrevoir dans la cour un métier-à-tisser ou des pelotes de laine, accrochées sur les murs. Devant chaque porte, des tapis colorés volaient dans la poussière du désert. Je visitais plusieurs ateliers familiaux et rencontrais les artisans chez eux, où ils partagent la fierté de leurs savoir-faire. Je rencontrais plusieurs familles, qui me présentaient leurs créations, et je les regardais avancer sur leurs tissages.
Pendant le processus de création d'un tapis, certains artisans préparent la laine, d’autres teignent ou tissent. Toute la famille participe à la création d’un tapis. Souvent, les ainés travaillent aux côtés de leur père et leur mère et passent de leur téléphone et leurs échanges avec les clients, à leur métier à tisser à pédales. En Amérique Centrale, c’est aussi cela, le grand écart entre modernité et tradition.
Les motifs traditionnels zapotèques sont complexes et anciens et à chaque fois réalisés de mémoire. Ils représentent des symboles, des histoires de la région : les fameux diamants ou « yeux de Dieu », les « Greca » symboles de vie, mort et renaissance, des oiseaux, les cactus ou les montagnes, ces « Sierras » rouges qui bordent le désert.
Je prenais en photo les motifs dans les ateliers et bodegas. Plus tard à Paris, toutes ces archives me serviront de bases d’inspiration et de création, pour dessiner une nouvelle collection.
La technique de teinture naturelle, 100% biodégradable, est un processus fascinant et un savoir local, transmis de génération en génération. Elle se prépare comme une recette de cuisine et l’on trouve toujours dans les ateliers, de grandes casseroles infusées de fleurs ou d’indigo, qui chauffent sur le feu. Les pigments sont issus de plantes, d’écorces d’arbres ou encore d’insectes locaux.
Les tons les plus extraordinaires sont les rouges, obtenus par la Cochenille, un insecte se nourrissant du Figuier de Barbarie ou « Nopal ». Les artisans les sèchent, les écrasent et utilisent leur poudre rouge, qu’ils font foncer ou éclaircir par l’ajout d’un acide ou d’un basique. On part des marrons, couleurs de terre jusqu’aux oranges vibrantes, qui se révèlent dans... le jus de citron ! À partir d’un seul pigment, les artisans peuvent créer jusqu’à 28 couleurs. À l’époque coloniale, ce pigment rouge était produit, exporté et utilisé dans les peintures classiques européennes. Aujourd’hui, il n’est utilisé que pour l’artisanat mexicain.
Le bleu est réalisé avec la plante Indigo ou « Añil ». Pour la teinture, ses feuilles sont coupées, écrasées et fermentent pendant 20 jours dans l’eau d’un vase en argile, placé en plein soleil.
Pour les différents tons de jaune, on prépare la « fleur des morts », puisqu’elle fleurit pendant la période « Dia de los Muertos ». La couleur café est obtenue avec des coquilles de noix etc…
Pour développer les collections textiles, je choisis toujours mes collaborations en fonction des talents et du respect des pratiques éthiques de travail. Je tiens à travailler avec des petits producteurs indépendants et des familles.
Mes rendez-vous à Teotitlan sont toujours une source d’inspiration et me permettent de connaitre plus profondément les processus de fabrication et surtout les petites mains, derrière la création des produits.
Tapis Teotitlan, Noir & Tapis Oaxaca, Noir
Photographie : Céline Gaiardo @www.instagram.com/ateliers_coutume
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